Mobilier urbain – Librairie-Galerie Racine, 1999

« Qu’au moins si rien existe, on l’ait vu une fois. J’aurais amené Naga chez un coiffeur pour instruments à cordes. Là, cinq eunuques, enfermés depuis l’enfance dans un salon de cire, auraient ouvert le coffret où dorment les violons de Crémone et le bois d’amourette. D’une main roulant sur les genoux ses nylons à couture, ils auraient de leurs doigts frappé de paillettes tout le silence des cordes endormies, attaché des rubans, suspendu des clochettes et pinçant le mystère, comme le pépiement d’une fleur la neige qui lui tient chaud, frotté toutes les grandes ses, des éclisses jusqu’à l’achèvement du dos. Les femmes n’habitent pas sur la terre. »

Immobile détour – La Bartavelle, 1995

« Tu entreras dans la légende inanimée

Alors tu seras parmi les choses qui te laissaient sans voix

Les rires ambulants l’embuscade d’une bouche le théâtre parfois échappé des paupières les agrès si doux par où s’endorment toutes les fanfares

Ils passeront

Comme l’eau sous la palette de sa chutte

Et personne ne dira rien à personne

La violette n’était-elle pas la même avant d’être appelée par son double »


« N’attendez pas du poète qu’il fasse étalage de ses greniers

Sinon la fraîcheur des timbales

Il reste seul

Avec les lanceurs de pierres et les joueurs de plante-couteau »

Henri Rodier

Ébauche – Les paragraphes littéraires de Paris, 1977

Elle est sa propre demeure
 

son propre rêve d’éternité

elle ne poursuit pas la puissance ou les vagues

les bateaux qui s’en vont elle sourit des yeux.

les marins disent elle est la plus belle

le soir avant de s’endormir

les enfants s’endorment avec elle

son désir n’est jamais le même parmi nous

elle est à elle seule l’absence comblée des désirs

ailleurs c’est encore demain

et demain n’existerait pas sans elle

parce qu’elle ne meurt pas

elle est sans lendemain